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Dans la nuit du samedi 16 août au
dimanche 17, ils ne seront en fait plus que quelques centaines à occuper le
chantier Lénine qui s'étend sur des dizaines L'enjeu est désormais tout autre.
Le comité de grève inter-entreprises rédige une liste de revendications, qui
fait frémir le pouvoir. Le lendemain, 19 août, le secrétariat du comité
central adresse à toutes les organisations du Parti un communiqué alarmé:
" Les éléments antisocialistes présents dans les comités de grève
ont avancé des revendications politiques et des slogans hostiles (...) qui sont
en réalité une atteinte aux fondements du régime de la Pologne populaire.
(...) L'exigence de syndicats libres est une manière d'obtenir la possibilité
institutionnelle de conduire des actions antisocialistes. " Ce
diagnostic (plutôt exact) établi, on décide de multiplier les arrestations
parmi les membres du KOR les plus connus (Jacek Kuron, Adam Michnik, ...) et
d'essayer de négocier directement avec les différentes entreprises, et
ignorant le comité interentreprises et ses "conseillers". La tactique
échoue vite. Un discours du Premier Ministre, suivi de sa démission, laisse
totalement indifférent les grévistes. Le premier secrétaire du Parti
intervient lui-même à la télévision, sans plus d'effet. Quelques jours plus
tard, on essaiera même d'utiliser l'autorité du primat de Pologne, le cardinal
Wyszynski, avec lequel Gierek a eu un discret entretien. La télévision
diffuse, fait sans précédent, des extraits d'une homélie qu'il fait lire dans
toutes les églises de Pologne, et qui sonne comme un appel à la reprise du
travail. Là " Mieux vaut faire un demi-pas à droite qu'un pas vers le gouffre. " répète à plusieurs reprises Gierek lors de réunions du bureau politique. On décide alors de négocier directement avec le comité de Gdansk, sur place, dans le chantier Lénine, comme l'exigent les dirigeants du mouvement. Un vice-Premier Ministre, Mieczyslaw Jagielski, s'avance, blême, au milieu d'une double haie d'ouvriers hostiles, conduits par Lech Walesa, qui le tient par le bras. " Nous sommes humiliés! ", dira ensuite un de ses rapports au Bureau politique. Les négociations sont très dures. Même si Walesa et les dirigeants de la grève ne veulent pas pousser le pouvoir à bout, même s'ils souhaitent éviter une grève générale incontrôlable, ils refusent toute concession sur l'essentiel: des syndicats libres, la libération des prisonniers politiques. Le Parti tergiverse, tente diverses manœuvres (un "renouveau" des syndicats officiels). Mais ses négociateurs sur place, aussi bien à Gdansk qu'au chantier de Szczecin, où existe un autre comité de grève, sont d'avis qu'il faut céder. Tous ceux qui se sont rendus à l'intérieur des chantiers sont impressionnés par l'ampleur du mouvement, son organisation, l'ordre qui y règne, le soutien que lui apporte la population. Le 28 août au chantier naval de Lénine apparaît pour la première fois le logo de Solidarnosc. Son auteur est Jerzy Janiszewski. Sa conception s'inspirait de la ressemblance de gens serrés dans la foule, solidaires et s'appuyant les uns sur les autres. Le 29 août, les mineurs de Silésie arrêtent le travail et occupent leurs puits. Les derniers velléités de recours à la force tombent d'elles-mêmes. Le Comité central, réuni le 30, entérine la décision de signer les accords. Le Parti a perdu la bataille, il en mesure les conséquences, mais il a désormais un autre objectif: regagner le terrain perdu, " enlever le pouvoir aux ennemis du système socialiste ", comme l'avait dit quelques jours plus tôt Edward Gierek. Site partenaire: www.beskid.com. Copyright © 2002 A.Zohry . Tous droits réservés. |