Les grèves d'août 1980 (2)

 

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    Dans la nuit du samedi 16 août au dimanche 17, ils ne seront en fait plus que quelques centaines à occuper le chantier Lénine qui s'étend sur des dizaines d'hectares, mais le pouvoir ne réagit pas. Reste à tenir pendant tout la journée de dimanche. Une idée surgit: faire célébrer la messe, juste à l'intérieur, derrière le portail numéro 2. De l'extérieur, les habitants de la ville pourront y assister. L'affaire ne se fait pas sans mal, la hiérarchie catholique est réticente, mais la messe a lieu. A Gdynia, le curé, sans rien demander à personne, a non seulement accepté de célébrer la messe, mais y est allé d'une homélie de soutien déclaré aux revendications des grévistes. Le lundi matin, des milliers d'ouvriers reviennent vers le chantier. Pour travailler, ou pour reprendre l'occupation? On prend le risque d'ouvrir les grilles, et c'est gagné.

    L'enjeu est désormais tout autre. Le comité de grève inter-entreprises rédige une liste de revendications, qui fait frémir le pouvoir. Le lendemain, 19 août, le secrétariat du comité central adresse à toutes les organisations du Parti un communiqué alarmé: " Les éléments antisocialistes présents dans les comités de grève ont avancé des revendications politiques et des slogans hostiles (...) qui sont en réalité une atteinte aux fondements du régime de la Pologne populaire. (...) L'exigence de syndicats libres est une manière d'obtenir la possibilité institutionnelle de conduire des actions antisocialistes. " Ce diagnostic (plutôt exact) établi, on décide de multiplier les arrestations parmi les membres du KOR les plus connus (Jacek Kuron, Adam Michnik, ...) et d'essayer de négocier directement avec les différentes entreprises, et ignorant le comité interentreprises et ses "conseillers". La tactique échoue vite. Un discours du Premier Ministre, suivi de sa démission, laisse totalement indifférent les grévistes. Le premier secrétaire du Parti intervient lui-même à la télévision, sans plus d'effet. Quelques jours plus tard, on essaiera même d'utiliser l'autorité du primat de Pologne, le cardinal Wyszynski, avec lequel Gierek a eu un discret entretien. La télévision diffuse, fait sans précédent, des extraits d'une homélie qu'il fait lire dans toutes les églises de Pologne, et qui sonne comme un appel à la reprise du travail. Là aussi, la manœuvre échoue. De Moscou arrivent des mises en demeure de plus en plus fermes: il faut réagir, mettre un terme à la contre-révolution. La tentation d'utiliser la force se fait de plus en plus grande. Des plans sont préparés; un membre du Bureau politique réclame l'élimination physique des meneurs de la grève. Mais les plus hauts responsables, Kania en particulier, soulignent que le recours à la police ou à l'armée présente désormais des risques trop grands: à lui seul, le Comité interentreprises de Gdansk représente cinq cents entreprises. Des grèves éclatent un peu partout dans le pays.

    " Mieux vaut faire un demi-pas à droite qu'un pas vers le gouffre. " répète à plusieurs reprises Gierek lors de réunions du bureau politique. On décide alors de négocier directement avec le comité de Gdansk, sur place, dans le chantier Lénine, comme l'exigent les dirigeants du mouvement. Un vice-Premier Ministre, Mieczyslaw Jagielski, s'avance, blême, au milieu d'une double haie d'ouvriers hostiles, conduits par Lech Walesa, qui le tient par le bras. " Nous sommes humiliés! ", dira ensuite un de ses rapports au Bureau politique. Les négociations sont très dures. Même si Walesa et les dirigeants de la grève ne veulent pas pousser le pouvoir à bout, même s'ils souhaitent éviter une grève générale incontrôlable, ils refusent toute concession sur l'essentiel: des syndicats libres, la libération des prisonniers politiques. Le Parti tergiverse, tente diverses manœuvres (un "renouveau" des syndicats officiels). Mais ses négociateurs sur place, aussi bien à Gdansk qu'au chantier de Szczecin, où existe un autre comité de grève, sont d'avis qu'il faut céder. Tous ceux qui se sont rendus à l'intérieur des chantiers sont impressionnés par l'ampleur du mouvement, son organisation, l'ordre qui y règne, le soutien que lui apporte la population. Le 28 août au chantier naval de Lénine apparaît pour la première fois le logo de Solidarnosc. Son auteur est Jerzy Janiszewski. Sa conception s'inspirait de la ressemblance de gens serrés dans la foule, solidaires et s'appuyant les uns sur les autres. Le 29 août, les mineurs de Silésie arrêtent le travail et occupent leurs puits. Les derniers velléités de recours à la force tombent d'elles-mêmes. Le Comité central, réuni le 30, entérine la décision de signer les accords. Le Parti a perdu la bataille, il en mesure les conséquences, mais il a désormais un autre objectif: regagner le terrain perdu, " enlever le pouvoir aux ennemis du système socialiste ", comme l'avait dit quelques jours plus tôt Edward Gierek.

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